Des solutions innovantes pour accélérer la réduction de l’impact carbone dans le BTP

Avec 23 % du total des émissions de gaz à effet de serre (GES) en France, le bâtiment est l’un des secteurs les plus polluants. Réduire son impact environnemental s’impose dès lors comme un enjeu majeur et urgent. Parmi les solutions envisagées, de nombreux professionnels misent sur la rénovation, qu’ils jugent moins coûteuse que la construction neuve.

La rénovation, une alternative écologique et économique à la construction neuve

Les défenseurs de la prolongation de la longévité des bâtiments existants soutiennent que la rénovation d’un immeuble résidentiel ancien requiert environ 80 fois moins de matériaux que d’en construire un nouveau, de taille et de surface comparables. Une telle approche contribue ainsi à préserver les ressources naturelles, dans un contexte de raréfaction du sable et de l’eau, matériaux indispensables dans le BTP.

Cette alternative permet en outre de freiner l’artificialisation des sols, qui entraîne une perte de biodiversité croissante et augmente les risques d’inondation. Consciente de ces enjeux, la France ambitionne d’ailleurs d’atteindre un objectif de « zéro artificialisation nette » des sols à l’horizon 2050.

Outre les émissions de GES, l’Agence de la transition écologique (Ademe) souligne que « le BTP est responsable de 70 % des millions de tonnes de déchets générées chaque année en France, et les chantiers de réhabilitation ne font qu’aggraver cette problématique environnementale ». Cependant, des solutions existent pour réduire l’impact environnemental de ce type de travaux.

Les professionnels du secteur peuvent notamment valoriser les matériaux présents dans un immeuble en cours de rénovation, à l’exemple des faux planchers des bâtiments fonctionnels, dont 30 % à 40 % peuvent être transformés en plateaux de bureaux. Le maître d’ouvrage doit toutefois prendre des décisions responsables, en tenant compte de ses besoins, contraintes et ressources, et en ayant à l’esprit le coût potentiel du réemploi, qui peut parfois dépasser largement celui des matériaux modernes d’entrée de gamme.

Il reste que certains nouveaux déchets comme le matériel de chauffage ne sont pas simples à valoriser. Les économies d’énergie substantielles qu’ils permettent compensent heureusement cet inconvénient sur le long terme.

Les procédés de recyclage innovants pour la valorisation des déchets se développent

De nombreuses plateformes, principalement digitales, émergent, pour donner une seconde vie aux matériaux. Les acteurs du BTP peuvent se procurer sur ces marketplaces des produits issus de surplus de commandes soit de bâtiments déconstruits. Ce mode de réemploi innovant participe à la diminution des dépenses sur un chantier, sans compromis sur la qualité des articles.

C’est le cas de la startup Le Pavé qui a élaboré un procédé industriel de thermo-compression pour la production de plaques flexibles à base de polyéthylène haute densité provenant de bouteilles de shampoings et de bouchons de bouteilles, ainsi que des plaques rigides composées de polystyrène issu de portes de frigo et de cintres. Elle s’approvisionne en matériaux auprès des collectivités, des éco-organismes et des recycleurs et propose des produits destinés à l’agencement intérieur ainsi que du mobilier à des industriels, artisans ou architectes. En effet, seulement 4 % des quelque 100 000 tonnes d’emballages en polystyrène commercialisées annuellement selon l’éco-organisme Citeo sont recyclées. En vue de fournir les 11 000 sièges de la piscine olympique des JO 2024 en Seine-Saint-Denis, l’entreprise a utilisé un peu plus de 100 tonnes de plastiques recyclés, dont 80 tonnes ont été collectées directement dans la poubelle jaune des résidents du département.

Les cimentiers œuvrent également à réduire leur dépendance au charbon, connu pour être hautement polluant. Dans les fours du groupe Vicat, dont plusieurs sites figurent parmi les plus gros émetteurs de GES à travers le pays, les combustibles alternatifs sont préférés aux sources fossiles. Au lieu du charbon, du fioul ou de la coke de pétrole, l’entreprise cimentière exploite les déchets en bois issus de la fabrication de meubles, de la moquette, des tissus, les gaines en PVC des câbles électriques, de la mousse, de la biomasse, initialement destinés à la décharge ou à être brûlés dans des incinérateurs. Elle vise 100 % de substitution d’ici 2030 à l’échelle nationale. En parallèle, le chauffage de pierres calcaires et d’argile à 1 450 degrés est expérimenté pour produire du ciment.

Les mêmes acteurs se mobilisent également pour le recyclage de leurs déchets . Holcim s’enorgueillit d’avoir réalisé le premier bâtiment en béton intégralement recyclé à Gennevilliers. Les granulats, entièrement recyclés, sont constitués de gravillons et de sables provenant de centrales à béton parisiennes ainsi que de divers déchets de démolition, dont celui de l’ancienne résidence Brenu de la ville. Vicat, pour sa part, développe un système de capture du CO2 destiné à être évacué et stocké dans des puits offshore étanches situés au fond de la mer. Cette initiative vise à minimiser les rejets de fumées polluantes des cheminées de ses cimenteries.

Vers une évaluation de la performance environnementale des acteurs du bâtiment

Le gouvernement envisage par ailleurs l’instauration d’un « carbone score » pour la filière bâtiment, en s’inspirant du Nutri-Score développé pour l’industrie agroalimentaire. Ce système d’évaluation environnementale pourrait devenir un outil précieux pour stimuler la construction de bâtiments plus durables, en encourageant notamment l’utilisation de matériaux plus écologiques.

Les experts prônent un système de traçabilité basé sur les performances effectives. Nicolas Régnier, créateur du programme « Ville de demain » à Station F, propose d’intégrer un budget carbone reflétant les émissions de CO² d’un projet de BTP à chaque phase du cycle de vie du bâtiment, de sa conception et construction jusqu’à son exploitation et maintenance. L’objectif est d’engager tous les intervenants de la chaîne de valeur (investisseurs, promoteurs, bureaux d’études, maîtres d’œuvre, exploitants…) dans une démarche de réduction de l’impact environnemental de la filière.