Pilier de l’économie tricolore, le secteur du bâtiment traverse une période de mutation profonde et inédite. Alors que la construction neuve continue de tourner au ralenti, de nouvelles opportunités émergent dans la rénovation énergétique et la décarbonation. Néanmoins, pour en tirer profit, les acteurs du marché doivent revoir complètement leur stratégie et relever des défis multiples.
Le secteur du bâtiment face à une crise inédite
Le poids du bâtiment sur l’emploi et l’économie de l’Hexagone est indéniable. Générant 166 milliards d’euros de chiffre d’affaires, il fait travailler près de 1,8 million de personnes sous différents statuts et compte 427 000 entreprises. Sa bonne santé conditionne ainsi celle de secteurs également essentiels, pour ne citer que les services d’ingénierie, la fabrication et la vente de matériaux, la commercialisation et la location d’engins…
Cependant, la filière est confrontée à plusieurs défis :
- D’une part, la construction neuve fait face à une crise sans précédent, en raison de la réglementation Zéro artificialisation nette (ZAN).
La restriction de l’artificialisation des sols imposée par la loi Climat et Résilience complique en effet l’obtention des permis de construire, freinant les promoteurs immobiliers et les constructeurs de logements.
La conséquence est un recul de 17 % des mises en chantier, qui devraient tomber à 245 000 unités selon les estimations du cabinet d’études Xerfi. Les difficultés n’épargnent pas le segment des bureaux et locaux commerciaux.
- En outre, les aides financières telles que le prêt à taux zéro (PTZ+) ont été rognées. En parallèle, la norme environnementale RE2020 introduit des exigences supplémentaires aux biens neufs afin d’accroître la performance énergétique et le confort des bâtiments, et d’accélérer la décarbonation du secteur.
Par ailleurs, l’ajustement des méthodes, le recours à des matériaux durables et des équipements alimentés par des sources d’énergie renouvelables engendrent des surcoûts.
Les nouvelles perspectives de développement
Pour traverser cette zone de turbulences, la rénovation énergétique se présente comme un levier de croissance efficace. Favorisées par les politiques publiques et les préoccupations environnementales des ménages, les opérations d’amélioration et de transformation devraient continuer à se multiplier jusqu’en fin 2025.
La reconversion d’actifs immobiliers obsolètes, ou recyclage urbain, pourrait également apporter des opportunités considérables, estime Xerfi. Selon la Fédération des Promoteurs Immobiliers, ce marché pourrait représenter un volume d’affaires annuel compris entre 1 et 1,2 milliard d’euros.
Encore faut-il, pour l’ensemble des concernés :
- se doter de nouvelles compétences nécessaires,
- adapter leurs pratiques,
- investir dans des solutions durables et des technologies innovantes, le cas échéant en établissant des collaborations fructueuses avec les industriels, fournisseurs, etc.
Intensification de la concurrence dans un contexte de diversification des activités
Dans ce contexte tendu, Vinci, Bouygues et Eiffage restent les leaders du marché, tant en France qu’en Europe. Leur taille et la mutualisation des ressources entre les différentes branches de ces géants leur permettent de se positionner sur tous les types de projets, notamment ceux de grande ampleur. Néanmoins, ils doivent faire face à une concurrence accrue.
- D’un côté, les entreprises de taille intermédiaire, à l’image de Demathieu Bard, Fayat, Groupe GCC, Léon Grosse, Spie Batignolles ou Groupe Legendre jouent un rôle essentiel dans l’innovation et la spécialisation.
- De l’autre, les experts des services énergétiques comme Engie, Groupe Hervé, SNEF et SPIE entendent bien avoir leur part du gâteau dans le domaine du génie électrique et climatique.
L’importance croissante de la rénovation des bâtiments pourrait ainsi rebattre les cartes sur le marché, poussant les trois mastodontes à s’orienter davantage vers les services et les énergies renouvelables.