Entre rénovation et démolition-reconstruction, un net écart en matière de bilan carbone

La filière bâtiment étant l’un des principaux pollueurs, réduire son impact environnemental est au cœur des enjeux actuels. Une analyse menée par le « Hub des prescripteurs bas carbone », réunissant 90 professionnels du secteur immobilier, s’est penchée sur l’intérêt de se lancer dans la rénovation lourde d’un bien, en comparaison avec sa démolition-reconstruction. Cette étude, fondée sur des cas concrets, a permis d’évaluer les performances de ces deux approches en termes de bilan écologique.

La rénovation, une option plus efficace pour la décarbonation

Pendant plus d’un an, le collectif a mené une étude approfondie sur l’impact carbone de la rénovation, s’appuyant sur des cas pratiques impliquant des habitations, des bureaux, mais également des résidences seniors et autres. L’objectif était de définir le meilleur moyen d’évoluer d’une rénovation énergétique lourde, fixée par la RT globale, vers une rénovation bas carbone, et d’en évaluer les coûts associés. Après deux restitutions publiques, les dernières conclusions ont été dévoilées à la mi-2024.

Il apparait que la rénovation d’un bâtiment existant présente un bilan carbone environ 30 % inférieur à celui d’une démolition intégrale suivie d’une reconstruction neuve. Et cela, même si celle-ci respecte les normes les plus récentes en matière d’efficacité énergétique.

Trois conditions essentielles doivent cependant être remplies :

  • La consommation énergétique du bâtiment doit diminuer d’au moins 40 %, sans affecter le confort des occupants et usagers. Plusieurs actions sont nécessaires : l’amélioration de l’isolation thermique, l’adoption de systèmes de chauffage plus propres.
  • Les énergies traditionnelles (charbon, fioul, gaz fossile) doivent être abandonnées au profit de sources renouvelables pour atteindre une performance carbone compétitive avec la rénovation face au neuf.
  • La réutilisation maximale des matériaux récupérés contribue à minimiser la demande en ressources naturelles (sable, granulats) et l’énergie grise associée à leur production. Toutefois, ce potentiel de conservation de l’existant varie selon la conception, mais également l’état technique, fonctionnel et réglementaire des bâtiments.  

Ainsi, l’écart s’amenuise lorsqu’un projet de construction neuve affiche une ambition carbone exemplaire, conforme aux exigences de la RE2020 pour 2031, même si la capacité de « la rénovation » à réduire de moitié la consommation de ressources naturelles lui confère un avantage. La démolition-reconstruction peut alors être envisagée, sous réserve de respecter des critères de haute performance énergétique.

Les défis spécifiques de la rénovation des bâtiments patrimoniaux

Les bâtiments classés ou inscrits au patrimoine présentent des défis particuliers en matière de rénovation :

  • une compacité défavorable,
  • une hauteur sous plafond non -conforme,
  • des infrastructures techniques peu optimisées.

Ces contraintes peuvent rendre la réhabilitation et la revalorisation moins pertinente qu’une reconstruction sur les plans économique et environnemental. De plus, les matériaux sont parfois obsolètes ou dégradés et donc non réutilisables.

Dans l’éventualité d’un changement d’usage de tels bâtiments, la compatibilité entre les nouvelles fonctions et les caractéristiques architecturales existantes s’impose. La mise en place d’une norme spécifique au bas carbone pour les éléments du patrimoine historique est ainsi nécessaire afin de concilier leur préservation avec la recherche d’une meilleure performance environnementale.

L’appel du Hub pour un cadre réglementaire adapté

Face à ces constats, les experts du Hub recommandent d’imposer une « analyse de cycle de vie (ACV) comparative » en amont de chaque projet de démolition-reconstruction, afin d’orienter la stratégie. Il plaide en outre en faveur de la mise en place rapide d’un cadre incitatif encourageant la rénovation exemplaire. Une phase d’essai est indispensable pour approfondir les connaissances et disposer d’indicateurs fiables en vue d’établir des objectifs clairs et ambitieux de diminution des émissions carbone des projets de rénovation. La démarche pourrait ainsi s’inspirer de l’expérimentation E+/C- qui avait préparé l’entrée en vigueur de la RE2020 dans le neuf.

Tout en accélérant la transition vers une construction plus durable, cette approche vise à fournir aux décideurs et aux professionnels du secteur des outils concrets pour arbitrer entre rénovation et démolition-reconstruction en fonction des caractéristiques spécifiques de chaque bâtiment.