Le décret relatif au diagnostic structurel des immeubles collectifs ouvre une nouvelle étape dans la lutte contre la dégradation du bâti. Issu de la loi « Habitat Dégradé », ce dispositif permet de repérer précocement les constructions vulnérables, tout en établissant un cadre réglementaire clair et de nouvelles obligations pour les propriétaires et les collectivités. Véritable tournant pour la politique du logement, il instaure une approche structurée et proactive de la sécurité des bâtiments.
Un nouvel outil de prévention et de protection
La mise en place du diagnostic structurel intervient dans un contexte marqué par plusieurs effondrements d’immeubles en France, notamment à Marseille en 2018 et à Lille en 2022. Ces incidents ont mis en évidence les limites des mécanismes existants pour contrôler les constructions anciennes et détecter les risques potentiels. Pour y remédier, le législateur a prévu un outil novateur, à la fois réglementaire et opérationnel, permettant aux communes d’agir en amont.
L’évaluation couvre tous les éléments déterminants pour la stabilité des bâtiments : fondations, murs porteurs, planchers, façades et charpentes. L’expert mandaté identifie les anomalies, en détermine la cause et, le cas échéant, recommande des travaux ou investigations complémentaires. Il ne s’agit pas d’un simple contrôle : cette démarche fournit aux responsables locaux un panorama exact et détaillé de la solidité et de la sécurité des bâtiments.
Des obligations mises à jour
Le décret précise les contours de cette nouvelle responsabilité. Dans les zones délimitées par la commune, tout immeuble collectif devra faire l’objet d’un diagnostic structurel. Les copropriétaires ou bailleurs disposeront d’un délai de dix-huit mois pour transmettre le rapport à la mairie. Cette mesure engage directement leur responsabilité civile et financière : en cas de manquement, la collectivité peut faire réaliser l’opération d’office, aux frais du propriétaire.
La mesure rompt avec la logique de tolérance qui prévalait jusqu’alors en instaurant un devoir de vigilance permanente. Les syndics devront intégrer le document d’évaluation dans la gestion technique de l’immeuble et dans les documents de copropriété. En parallèle, seuls des professionnels qualifiés, indépendants et couverts par une assurance spécifique pourront réaliser cette expertise. Une garantie essentielle pour assurer la rigueur des analyses et la crédibilité des conclusions, éléments déterminants pour orienter les décisions des pouvoirs publics.
Renforcer la politique du logement
Au-delà de la seule responsabilité des propriétaires, ce mécanisme renforce le rôle stratégique des maires dans la prévention des risques liés au logement. Les communes disposent désormais du pouvoir de définir les périmètres d’application, en fonction de critères, tels que la vétusté du bâti, l’historique des sinistres ou la densité urbaine.
L’enjeu est clair : doter les élus d’un outil d’anticipation capable d’identifier les immeubles fragiles avant qu’ils ne représentent un danger. Il devient ainsi une véritable boussole pour la politique locale du logement, en facilitant la priorisation des interventions, le suivi des immeubles à risque et, le cas échéant, la mise en œuvre de mesures coercitives.
Des impacts économiques et professionnels réels
L’entrée en vigueur de cette obligation entraîne des répercussions directes sur l’ensemble de la chaîne immobilière. Pour les syndics, administrateurs de biens, agences et investisseurs, la prise en compte du diagnostic structurel devient incontournable. Sa réalisation influencera la valorisation des immeubles, les opérations de transaction et la perception du risque par les assureurs.
Sur le plan technique, le dispositif structurel crée un nouveau champ d’expertise. Les bureaux d’études et ingénieurs spécialisés devront maîtriser des compétences précises en mécanique du bâti et en pathologie des structures.
Les professionnels du secteur y voient d’ailleurs un signal fort. Danielle Dubrac, présidente de l’Union des Syndicats de l’Immobilier (UNIS), rappelle que « la fiabilité et la valeur d’un immeuble reposent avant tout sur la rigueur du diagnostic réalisé ».
Une mise en œuvre progressive, mais déterminante
Si le cadre réglementaire est désormais en place, son déploiement dépend encore de la parution d’un arrêté précisant les modalités techniques et la cartographie des secteurs concernés. Les communes devront ensuite organiser la notification aux propriétaires et assurer le suivi administratif des rapports. Cette phase préparatoire sera décisive pour garantir l’efficacité du dispositif.
Comme le souligne un avocat spécialisé en droit immobilier, « ce cadre constitue un socle juridique majeur, dont la réussite reposera sur la coordination entre l’État, les collectivités et les professionnels du diagnostic ».

