Moderniser le DPE pour garantir une évaluation juste et crédible

Depuis sa création en 2006, le diagnostic de performance énergétique (DPE) s’est imposé comme un outil stratégique de la transition énergétique. Il mesure la consommation d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre d’un logement, des critères qui influencent désormais sa valeur et sa capacité à être loué. D’ailleurs, la loi Climat-Résilience interdit la location des biens classés G depuis janvier 2025. Or, le DPE souffre de multiples défauts susceptibles de compromettre son efficacité. Parmi les anomalies relevées, la mauvaise prise en compte des systèmes de renouvellement d’air fausse parfois les résultats. Dès lors, une mise à jour du dispositif apparaît indispensable.

Le rôle déterminant du renouvellement d’air dans la performance des logements

Le renouvellement de l’air intérieur constitue un élément central du confort et de la santé des occupants dans une habitation, mais également de son efficacité énergétique. Selon les experts, près d’un tiers des pertes de chaleur enregistrées dans les maisons et appartements provient de la ventilation, contre un quart pour les murs. Il s’agit dès lors de trouver un juste équilibre : garantir une aération suffisante pour préserver la qualité de l’air, sans provoquer de gaspillage thermique.

Le DPE identifie quatre principaux systèmes de ventilation :

  • l’ouverture des fenêtres, dont l’efficacité dépend largement des habitudes des occupants ;
  • la ventilation naturelle, assurée par des grilles ou entrées d’air intégrées au bâti ;
  • la VMC simple flux autoréglable, qui maintient un débit constant ;
  • la VMC simple flux hygroréglable : plus performante, celle-ci ajuste automatiquement le débit en fonction de l’humidité.

Ces dispositifs ont un impact très différent sur les consommations : une VMC hygroréglable permettrait de réduire jusqu’à 70 % les déperditions de chaleur par rapport à une ventilation naturelle. Pourtant, cette supériorité technologique est aujourd’hui insuffisamment valorisée dans le DPE.

Une incohérence technique qui pénalise les logements bien équipés

L’un des dysfonctionnements majeurs du DPE actuel réside dans la sous-estimation du rôle des systèmes de ventilation performants. Le coefficient de renouvellement d’air, qui mesure la quantité d’air échangée, a été artificiellement abaissé à 1,2 m³/(h.m²) dans la version de 2021 pour limiter le nombre de « passoires thermiques ».

Dicté par une volonté politique de modération, ce choix a eu un effet paradoxal : un logement dépourvu de système de ventilation peut désormais apparaître aussi performant, voire plus, qu’un logement bien ventilé. Une aberration technique et sanitaire, puisque l’absence de renouvellement d’air favorise la condensation, les moisissures et la dégradation de la qualité de l’air intérieur.

Pour rétablir une évaluation plus réaliste, il serait nécessaire de rehausser ce coefficient à 2,2 m³/(h.m²), en cohérence avec les standards européens définis par le règlement (UE) n°1253/2014.

Ventilation et qualité de l’air : un enjeu de santé publique

Au-delà de la performance énergétique, la question du renouvellement d’air touche directement à la qualité de vie. L’air intérieur d’une résidence peut être jusqu’à cinq fois plus pollué que l’air extérieur, en raison de la présence de composés chimiques, de particules et d’humidité. Une ventilation mal conçue ou insuffisante peut accentuer ces phénomènes, entraînant des pathologies respiratoires et une dégradation du bâti.

En révisant sa méthode de calcul, le DPE devrait logiquement intégrer cette dimension sanitaire. Mieux valoriser les systèmes de ventilation mécanique, notamment les modèles hygroréglables ou double flux par un diagnostiqueur DPE, serait un moyen de lier efficacité énergétique et santé publique.

Les petits logements, victimes d’un calcul inadapté

Autre biais identifié : la méthode actuelle désavantage les petites surfaces, souvent classées parmi les habitations les plus énergivores. Près de 34 % des logements de moins de 30 m² sont considérés comme des passoires thermiques, contre seulement 16 % en moyenne nationale.

Ce déséquilibre provient notamment de la façon dont le DPE estime les besoins en eau chaude sanitaire, supposés identiques quel que soit le nombre d’occupants. Rapportée au mètre carré, cette hypothèse amplifie mécaniquement la consommation des petites surfaces.

À cet effet, il serait nécessaire de revoir ces paramètres d’occupation plutôt que de modifier arbitrairement les seuils de classification, une approche qui rendrait le dispositif plus lisible et plus équitable.

Régulation, pilotage et innovation : des leviers encore sous-exploités

Les systèmes de régulation et de pilotage intelligent (comme les thermostats connectés) sont aujourd’hui reconnus pour leur capacité à réduire les consommations sans gros travaux. D’après l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), ceux-ci permettraient de réaliser jusqu’à 15 % d’économies sur le chauffage. Pourtant, le DPE n’en tient compte que marginalement, sous-évaluant ainsi leur efficacité.

Une révision des coefficients associés à ces dispositifs contribuerait à mieux refléter les économies réelles et favoriser leur déploiement massif, ce qui devrait faire baisser le nombre de logements classés F ou G.

Mieux valoriser les énergies propres

Bien qu’ils soient en plein essor, les panneaux photovoltaïques restent mal intégrés dans le calcul du DPE. Seule la part d’électricité autoconsommée est prise en compte, alors que le reste de la production — souvent revendue ou utilisée pour d’autres usages — n’est pas valorisé.

Par ailleurs, le coefficient de conversion de l’électricité en énergie primaire, fixé à 2,3, continue de désavantager les logements chauffés à l’électricité, alors même que cette énergie est de plus en plus décarbonée. Ramener ce pourcentage à 1,9, conformément à la recommandation de l’Union européenne, permettrait d’aligner le DPE sur la réalité actuelle de la consommation et de favoriser le recours aux pompes à chaleur ainsi qu’aux énergies renouvelables.